Il y a, écrit au posca blanc, sur la glace, mon haïku d’hiver,
« Faisant de la quiétude
Ma seule compagne
Solitude hivernale »
Jamais haïku ne fut moins approprié. Ni quiétude, ni solitude.
Il y a une pie et des tourterelles posées dans le noyer qui se disputent une branche.
Il y a la tasse de thé qui me brule les doigts et le cygne de Saint Saëns.
Il y a la nuit où nous avons dansé, où je n’ai pas cessé de me demander comment on pouvait donner cette impression de danser alors qu’on ne danse pas.
Il y a ce désir d’être abandonnée, comme Louise, dans une station de bord de mer, de me construire une cabane sur la plage, de déjeuner face à la mer, rêver au passé et pratiquer la pêche à pieds.
Il y a cet hiver givré de brouillard, la campagne argentée et puis cet air tranchant qui fige, ce soleil brutal et doux, l’herbe qui crisse sous mes pas quand je vais ouvrir le poulailler.
Il y a la nuit, la longue nuit avec ses constellations aussi nettes qu’en plein été. Orion, ma préférée, la plus belle des constellations du ciel d’hiver, elle culmine presque au méridien sud vers minuit. Puis, l’une des plus petites et des plus pâles de toutes, entre le lion et les gémeaux, la constellation du cancer.
C’est si beau……
Il y a ma vanité aux yeux clairs, cette petite sœur endormeuse qui s’étonne de la clarté des matins quand elle n’a pas sonné le réveil
Il y a mon signe du cancer ascendant capricorne qui déciderait de qui je suis. C’est Isis qui a fait nos thèmes astraux. Pas le droit de protester mais comment croire en un signe qui porte le nom d’une maladie mortelle même si c’est une belle constellation et un animal attachant.
Il y a des visages flous, menaçants, les frénétiques, les méchants, les mesquins, les incultes, les vulgaires, cette farandole du chaos autour de nous avec une sensation de fin du monde
Il y a des voix familières qu’on garde sur le répondeur, d’autres, à qui l’hiver va si bien, qu’on écoute, le soir.
« Je marche dans une avalanche
Elle a recouvert mon âme
Quand je ne serai plus ce bossu
Je dormirai sous une colline d’or
Alors, toi qui veux vaincre la douleur
Tu dois apprendre à me servir »
Il y a cette belle journée froide et claire à marcher, comme Louise encore, sur le bord des falaises du bois de Cise, à faire le bilan d’une année plus triste qu’à l’ordinaire et à se dire, néanmoins, que le vert céladon de la mer a la couleur de l’espérance.